Comment réaliser un court-métrage à petit moyen ?
Arnaud Bails, habitant de la commune de Puiseux-en-France, a toujours rêvé de devenir cinéaste. Étudiant en DUT Techniques de Commercialisation, il n'a pas hésité à se lancer dans la réalisation de son sixième court-métrage du nom de Devil. Alors qu'a-t-il fait pour en arriver là ?
Raconte nous comment tout a commencé
À l'origine c'est ma grand-mère qui m'a initié au montage quand j'avais onze ans, sur le logiciel Movie Maker. Lorsque j'ai reçu mon premier ordinateur, je me suis lancé dans les vidéos de jeux, en les scénarisant avec des histoires, des blagues etc. C'est au lycée que j'ai écrit mon premier script avec l'idée de personnages incarnés par mes amis, sauf qu'ils ont fini par me laisser tomber. Mais je l'ai quand même fait. Du nom de Moi tout simplement, il raconte l'histoire d'un homme un peu "geek" qui cherche l'amour sur internet et qui n'a pas vraiment confiance en lui. C'était moi à l'époque en quelque sorte. Cela m'a valu beaucoup de critiques et de moqueries, aujourd'hui je ne dirai pas que j'ai honte mais mon travail a beaucoup évolué depuis. À partir de mon deuxième court-métrage Seul (avec pour idée "les histoires ne sont-elles pas faites par ceux qui les écrivent ?"), j'ai commencé à savoir ce que je voulais faire. Les influences de l'époque m'ont beaucoup inspiré avec Prisoners, c'est un film qui m'a beaucoup marqué notamment du côté de la réalisation. Les plans étaient très simples et pensés. La production d'après n'est pas si mal, en revanche le jeu d'acteur est catastrophique. Finalement la problématique dans tout ça, c'est que je ne suis pas acteur. Ma capacité c'est de filmer, pas jouer. C'est au bout du quatrième film que ça a commencé à être vraiment sérieux avec Church, basé sur la croyance. Dans le court-métrage il y a l'allusion à un créateur et des sectes, mais surtout ce à quoi les gens se rattachent dans la crainte. L'histoire est simple, c'est un inspecteur qui se rend dans la ville de Priesky ("prier le ciel") où tous les habitants sont très croyants alors que lui est très pragmatique. Finalement, à la fin du film il se rend à l'église pour se confesser. Celui qui a le mieux marché c'est Violence, celui qui a suivi Church, mais je le trouve vraiment mauvais. Il vaut peut-être le coup pour trois scènes et pourtant il a été bien accueilli sur Youtube. J'ai ensuite prit une pause pendant deux ans, avant de revenir aujourd'hui avec Devil.
Cette pause a été choisie ?
C'était une pause malgré moi. Je suis arrivé dans une période où je ne savais plus ce que je voulais faire, ce que j'étais, ce que je valais. Il a donc fallu que je me ressource et me réoriente. Pour être très honnête je ne m'attendais pas à refaire des films, c'était quelque chose que je faisais dans le passé. A l'université il y a eu ensuite un concours de publicité et je suis arrivé deuxième. Le but était de réaliser une pub pour une boutique, pas sur les produits en soi, et j'ai choisi un magasin de mariage. On avait pas d'acteur ni de robe alors j'ai réfléchi en me demandant ce que m'évoquait le matrimonial. Et j'en suis arrivé à la conclusion que c'était finalement la vie, des sentiments, de l'amour etc. J'ai alors écrit un poème sur mes grands-parents mariés depuis 45 ans, prêtant leur voix avec pour thème le temps qui passe. Aujourd'hui tout le monde possède la technique, en revanche la sensibilité beaucoup moins. Après avoir réalisé une autre vidéo pour mon CV je me suis dit que c'était le moment de me relancer. J'avais un script de 2017, avant que j'arrête, qui était en fait la continuité de Church. Et donc aujourd'hui Devil.
Quand est-ce que tu as eu l'idée ?
A l'époque en 2017 c'était compliqué pour moi. Je pensais au suicide, je savais donc comment le début du film allait commencer : un homme qui se pend et quand il passe à l'acte, revient à la vie. Quand on a des pensées suicidaires c'est pas pour dire stop à sa vie mais à ce qui nous fait du mal, c'est là que Devil prend tout son sens. Le court-métrage conte ce qui pourrait se passer pendant la mort. Par principe on la craint, mais dans d'autres cultures elle est vénérée. Comme elle représente l'inconnu, on lui a prêté une figure de jugement, de choix. Devil c'est que se passe-t-il pendant la mort, en supposant que celle-ci ne soit pas la fin de quelque chose mais plutôt le début d'une autre. En l'occurrence la mort te permet de vaincre contre ce qui t'as vaincu, autrement dit c'est une seconde chance. Et dans la vie on a déjà cherché à réessayer et à en obtenir une. Dans le film il y a une scène de viol où un protagoniste va faire du mal à la copine accompagné de son amant, une occasion pour l'homme de pouvoir se venger de ce qui l'a vaincu. Les deux alors ont une seconde chance et pour cela il faut se battre pour réussir. Cette idée m'est venu lors d'une discussion avec mes amis, on s'est demandés ce qu'on ferait si notre petite-amie se faisait agresser et comment on réagirai. On est donc arrivés à la conclusion que dans tous les cas il fallait qu'elle s'en sorte.
Combien de temps cela a pris pour le réaliser ?
J'ai une méthode particulière : je fais la production et la post-prod en même temps. Comme c'est pas mon métier c'est aussi compliqué de s'organiser, il faut réussir à savoir ce dont il y a exactement besoin. Prenons l'exemple du premier jour de tournage, le soir en montant je me suis rendu compte que ça n'allait pas et si j'avais monté après je n'aurais pas pu me rattraper. Le tournage a donc prit deux mois et demi (mi-juillet jusqu'à début septembre), soit 300 heures de travail.
As-tu investi dans du matériel pour tourner ?
C'est le même Nikon D3200 que j'ai depuis 2015 et 95% des plans ont été tournés en objectif 50mm et ouvertue 1.8 soit un focal fixe. On a acheté aussi une corde et une deuxième batterie.
Et concernant les micros ?
Eh bien pas besoin puisque Devil est un film sans dialogue. Il y a seulement une voix off au début et en fin, qui n'était pas pensé quand je l'imaginais. Tous les bruitages sont faux, tout a été refait. Par exemple, les cris ont été faits à part et rattachés par la suite à l'image. On essaye surtout de raconter quelque chose à travers les images.
Tu as fait une avant-première le 26 octobre dernier comment c'était organisé ?
Les entrées étaient gratuites mais la buvette payante, permettant de pouvoir financer les prochains courts-métrages. Avec mon équipe, on compte créer une association sur ce qu'on aimerai entreprendre et aussi à quel coût. L'idée n'est pas de faire du bénéfice, on m'a même demandé de faire des entrées payantes. Mon but c'était de voir les gens frissonner à travers les scènes et de faire découvrir le film.
Où est-ce que tu as tourné et as-tu fais une demande de tournage ?
Alors le mieux aurait été de le faire mais pour être honnête non. On s'est rendus à l'Etangs de Commeilles à Larmolaye pour tourner les scènes. J'aurais pu démarcher mais ça demande une rigueur calendaire, des contraintes d'horaires, de lieux etc. On tournait avec des couteaux non-homologués, il y avait une prise de risque. Il y a même quelques musiques que j'ai emprunté dans le montage mais je ne considère pas ça comme du vol. Au contraire, c'est une sorte d'hommage, à la fin de mon film je le précise même. Je suis incapable de composer et c'est pour ça que j'assume.
Précédemment tu parlais du fait que le jeu d'acteur de tes anciens films était à désirer, comment as-tu choisi ceux de Devil ?
Déjà je ne voulais pas jouer dedans, bon on me voit très rapidement mais de façon à ce qu'on ne me reconnaisse pas. Au départ, le film devait être porté par Quentin Capogrosso et on a décidé de finalement raconter deux histoires. La première pour expliquer le concept du film et la deuxième comment l'idée est appliquée. Guillaume Verriez était à la base assistant à la réalisation et il s'est révélé à l'écran. Les deux étant mes amis.
As-tu eu quelques problèmes pendant le tournage ?
Je dirai plutôt contrainte. Et pour l'écarter il faut de la créativité. Les acteurs il faut les synchroniser, leurs humeurs, les visions de chacun. Ce qui est compliqué quand tu es multi-casquette tu finis par t'y perdre aussi un peu, il faut savoir expliquer clairement ce que tu souhaites à celui qui tient la caméra par exemple. Une maquilleuse n'aurait pas été de refus non plus, on aurait pu rajouter du sang etc.
Concernant tes futurs projets, travailles-tu sur le prochain film ?
Oui, on a tourné le teaser et il reste dans le même thème que Devil prévu environ vers été 2020. A moyen terme on va réaliser un court-métrage de dix minutes maximum qui sera sur le dépassement de soi avec plus de scènes de combats chorégraphiés.
Tu montes sur quel programme ?
J'ai commencé sur Movie Maker puis Sony Vegas pro et enfin Adobe premiere, j'ai appris tout seul.
[caption id="attachment_6016" align="alignnone" width="750"]Table de montage sur Premiere pour Devil © Arnaud Bails[/caption]
Tu avais une équipe de combien de personnes ?
Trois.
Finalement, comment réalise-t-on un court-métrage à petit moyen ?
Il faut une idée précise, un projet et quelle émotion on veut passer. Pour ma part j'adore frissonner. Le principal c'est véhiculer l'émotion. Si je devais donner un conseil à quelqu'un qui veut débuter je lui dirai d'apprendre, d'acheter du matériel et apprendre à le maîtriser. Il faut les compétences techniques, apprendre et étudier. Aujourd'hui si j'arrive à produire du contenu de cette façon c'est parce que je connais comment marche et réagi mon appareil etc. Quelque chose que l'on ne dit pas quand tu achètes un reflex, c'est que tu achètes avant tout une taille de capteur. Par exemple un 50mm n'aura pas la même distance focale que sur un APSC que sur un Full Frame. Il faut comprendre ton matériel. Quelqu'un qui n'a rien à te raconter, il ne te fait pas de film. Dans l'idée il faut y croire, tenter et avoir de l'imagination. De nos jours tout le monde peut faire un film avec la technologie des téléphones, mais personne ne le fait. Il y a ceux qui font et ceux qui ne font pas, si quelqu'un a une idée mais ne la réalise pas elle ne sera jamais partagée au monde. Lancez-vous et puis si ça marche pas vous pourrez vous relever. Les films c'est un moyen de profiter et d'apprendre.
Le film : https://www.youtube.com/watch?v=u6ulCiBaRc8&t=2s
Publié le 2 novembre 2019 sur http://les14affranchis.home.blog
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